Liste de Chopin Frédéric

Inviter Liszt même s’il m’emmerde

Inviter George même si elle me fait cocu à tour de bras

Inviter le jeune élève du conservatoire même si je ne suis pas sûr de lui plaire

Inviter Clarisse si bavarde qu’elle me repose

Et le maire du village car je lui dois de l’argent

Le Baron du Bout du Banc qui m’a offert son piano

Mauvais comme morsure de serpent mais le sait-il?

Inviter les inutiles

Les gens que je n’aime pas

Faut bien remplir la salle

Inviter des muets, je déteste qu’on parle pendant que je joue

Leur dire à tous d’apporter leur pitance

car j’ai horreur de l’intendance .

Uzeste

Un toit de tuiles qui rebondit

sur un autre toit de tuiles

qui tombe sur le petit toit de tôle ondulée de l’appentis

En face une forêt de roses trémières

armées de tuteurs

La poubelle verte en témoin immobile

la guirlande multicolore d’ampoules

relayées par une théorie d’épingles à linge

Et ça vous traverse le petit jardin en pente

un coup accrochée à un poteau

une autre fois à un arbre léger

pour finir enlacée(la guirlande)

au tronc solide du saule pleureur

qui garde l’entrée du jardin en bas près du pont de bois.

Rectangle vert du bassin cousin du ruisseau

Et des totems d’artifice,

flottille de véhicules le nez sous les arbres,

comme les vaches au pré, cherchant l’ombre .

Flip, flap, sur le plancher

Allo dit-elle en faisant taire le portable importun

L’anis des rayures de la tente ne tient pas ses promesses de fraîcheur

Fûts de bière Feu en bière

Feu partout Août

Rien ne bouge

les consignes qui se perdent

les mots qui se posent des mots oubliés

on marche sur un grand serpent noir

« Feu d’artifice »

Des chaises sur les tables

comme des fleurs harassées de soleil

Un homme perché sur un mur

quelqu’un a attrapé des alevins

qui nageottent

dans une bouteille en plastique

on a du la serrer trop fort elle est tordue

La pierre du lavoir cachée par le reflet des arbres

et la brise qui en ride la surface

Flip Flip on marche dans l’eau

La ronce poussée dans le mur attire la libellule

Est ce un cirque ?

Un nuage blanc en forme de petit cochon

des studieux qui écrivent près de la grotte à musique

Qu’est-ce ?

Le monde n’est pas une marchandise

Il porte une chaise à la hauteur du visage ses yeux à travers les barreaux du dossier.

Un tunnel de toile blanche

et un souffle de vent par là ou par là-bas,

Au milieu deux tables en fête des serviettes roses fourrées dans des verres à pied,

comme un parterre .

La belle rose trémière très noire très belle aurait besoin d’une petite toilette

La buée de la bière dans une verre Amstel

Des dos qui marquent le tempo

ici la guirlande allumée va bien avec le marteau piqueur

qui ne va pas si mal avec les sax

Elle se lève et sourit, où va-t-elle avec son carnet vert ?

Rouge le débardeur grenat le soutien gorge bleu marine le tablier

toutes ces bretelles qui se promènent sur sa peau

Paint Ball Nouaillan 0677217563

Une chemise en dentelle, le raï la fait danser

des tâches de café sur la table blanche comme des fusées miniatures

Elle passe décidée sa chevelure mousseuse enflamme la rue.

Une batterie de boites à lettres là bas dans l’ombre

Arrière de camionnette blanche, il a retourné sa poche en cherchant quelque chose

blanc tissu sur pantalon bleu, tee shirt gris New Mexico

il a soif

Hommage à notre élu entre deux antennes de télé

et l’autre qui rit dans le mur

une vierge bleue sur bleu présente son enfant aux automobilistes

Véhicule d’intervention aléatoire

un jardin sec où seuls poussent des cosmos

et une dame en chapeau de paille qui le contemple les mains sur les hanches

A droite Collégiale, à gauche antenne parabolique

Nique Toilettes

un vélo sur l’herbe bleu le bidon bleue la casquette

un câble dans les dents il s’essaie au bricolage acrobatique

un œil sanguinolent crève le tableau

tiens une fenêtre neuve zont installé la salle de bains

Juste en dessous

la trace dans le mur d’un ancien appentis comme une blessure qui cicatrise

debout sous le porche elle écrit

elle a sa musique dans le dos

Mordre son stylo écouter Manu Tchao

UZESTE Pôle Ethique

Ici l’herbe a poussé sur les toits sur les murs

et puis elle a séché comme les toits comme les murs

question qui est Hercule ?

Le sorcier africain a laissé sa parure de raphia en pénétrant dans la cuisine

des pavés vieux comme le pays polis disjoints qui font des bosses devant la buvette

une bande de bâche rouge habille le vantail de gauche le droit s’en trouve plus libre

Il traverse pantalons orange lunettes sur le front

Proverbe birman sur la porte des WC : Dac ou pas dac ?

Près du mur sous deux pots de terre, attendent les pieds de 2 vieilles machines à coudre Singer une à l’envers l’autre à l’endroit

les intempéries s’en occupent

Mieux vaut élever son esprit que des chats siamois

il a acheté le vieux camion qui a trimballé plein d’allemands en Afrique et l’a habité de mes rêves, de mes cauchemars

Ce monstre je le revendique, je le connais trop

au voleur !

Volver sur le Camino

Avril 2006. Voilà, qu’il me dit le complice, je repars sur le Camino, si tu veux tu m’y retrouves. De chez moi, Pays Basque, il suffit de prendre la route à Saint-Jean-Pied-de-Port et d’en baver un (très) grand coup pour arriver à Roncevaux. Pas de risque de se perdre tout est fléché depuis longtemps.

On se retrouvera à Logrono, qu’il me précise. Logrono dans la Rioja, berceau de mon ex-belle mère, la paix soit avec elle, et je m’évite le plus dur.

Les gîtes, les refuges, les matins comateux, les étapes de trente bornes, les averses de pluie, de neige, le chemin pas toujours plaisant. Mais je marche, je me sens avancer, j’ai oublié mes gants, ma deuxième paire de chaussettes fera l’affaire, j’ai froid, mon sac est presque vide, à midi pain et saucisson, le soir soupe et vin pour oublier que je suis arrivée la dernière, qu’il n’y a plus d’eau chaude et que j’ai hérité de la couchette la plus merdique. Braves gens !

Passé le questionnement des premiers jours, mon corps réclame de bouger, il m’interpelle, ces heures de marche sont un corps à corps. Athée que je suis, mes recueillements sont prosaïques et décalés.

Au bout de très vite, le copain décide que je parle trop, séparons nous. D’abord dans la journée, plus tard sur les étapes.

Rencontres frileuses, une fille et son cheval, un groupe d’assoiffés qui m’adopte, un coréen qui, chaque matin part en furie et coule une bielle deux heures après … Des camionneurs qui te klaxonnent merci de marcher pour moi , et toi qui a planqué tes mains tu les ressors pour saluer et tu cherches un chemin éloigné de la route mais la route c‘est le chemin, les panneaux te l’expliquent et de toutes façons la pluie a rendu le reste impraticable .

Il y a longtemps que tu as débranché ta tête et tu t’en félicites quand tu t’en souviens. Et, à l’approche de Burgos, des pèlerins te conseillent de prendre le bus, la banlieue est longue et moche, comme tu n’as rien à expier, tu les suis.

Et, miracle du Chemin, le bus s’arrête devant un cinéma. A l’affiche, Volver qui n’est pas encore sorti en France ? Électrochoc XXL.

Désolée, mais la séance a commencé depuis longtemps me répond la caissière. Le second miracle, c’est qu’après m’avoir entendu plaider ma cause, elle me laisse entrer sans payer car elle n’a pas le droit, elle a envoyé tous les chiffres… Elle me garde même mon bâton et mon sac. J’aime l’Espagne (malgré mon ex-belle mère).

Et je retrouve ma Pénélope en plein drame. Que c’est il passé ? Tu t’en fous. Prendre un film en cours c’est comme arriver dans une famille qui bataille. Tu ne sais pas tout, tu essaies de comprendre, tu te fais des constructions fragiles, tu te lances des pistes. Et je la suis, la Pénélope. Magnifique,courageuse, rageuse, énergique, elle bouge, elle entraîne les femmes de la famille, elle déborde d’amour, elle te ferait battre des montagnes, on croise les doigts pour qu’elle le ressorte son grandiose sourire de femme vivante à bloc. Comme elles le sont toutes, d’ailleurs, vivantes à bloc. Même celle qui serait morte ? Et les hommes ? Bof ! Et la couleur madre de dios! Ces couleurs !

Et à la fin, à bloc moi- même. Je reprends mon bâton, mon sac trempé, et la direction de l’auberge, là-bas très loin, accompagnée du sourire complice de la caissière. J’aime l’Espagne. Je vous l’ai déjà dit ?

Très loin. Quand j’arrive , le copain s’excuse pour la couchette, une équipe de cyclistes belges a tout pris. Au bout d’un dortoir sans fin, une structure toute en tubes, couchette supérieure, devant les toilettes, juste là où on s’accroche pour tourner quand on est pressé. Vu ?

Après Burgos, le soleil revient, fort. Un homme à poil dans son jardin me demande si j’ai soif. Doubler une étape pour oublier un groupe de français, quatre femmes et un chef, indécrottables. Ce n’est pas encore la grande foule.

Visiter aussi, que croyez vous, les chapelles les églises quand elles sont ouvertes, du spirituel ou du physique tu te demandes ce qui meut ce peuple du chemin. La tête, les jambes, les yeux, le cœur, l’esprit, l’âme, tout le monde finit sur le pont.

Dernière étape, Léon. Grand soleil, préparation de la semaine sainte, effervescence. Auberge de jeunesse où je retrouve le collègue. Et le coréen scotché par les processions. Deux jours à baguenauder dans cette ville pleine de souvenirs (le défilé du 1er mai avec Marga, le ballet des cigognes dans le cloître de la cathédrale), à picorer des tapas, à boire le vin d’ici et d’ailleurs, à juste regarder vivre les habitants.

A retrouver Pénélope et découvrir Volver en entier. Revenir. Et si la vie n’était qu’un retour ? Et voyons si mon pronostic était juste. Mais folle que tu es, tu ne peux qu’être éblouie par le génie de ce type, cet Almodavar qui fait ses films avec son sang, qui explose un monde bien rangé quelque part. J’aime les gens qui se jettent du haut de leurs tours. Tu sors de la salle et ta vie de femme est soudain très belle.

Volver, c’est mon Camino à moi. Pedro je t’aime.

Deux toiles en Iran

Or donc, cette incurable envie d’Iran, contractée à lire en boucle l’Usage du monde de Nicolas Bouvier, devenant très encombrante et n’ayant trouvé personne pour m’accompagner en ces terres lointaines, je finis par rejoindre un petit groupe branché culture au grand étonnement de mon entourage,  « toi en voyage organisé ? » Seize jours entre Shiraz et Téhéran, ce n’était pas la mer à boire.

Le groupe, le foulard, la liberté sous condition, j’acceptais tout . Pour le reste, je n’avais rien préparé, comme d’habitude.

Arrivés en pleine nuit et un seul jour pour « faire » Shiraz. Je m’en étouffe. Même les japonais ont renoncé à cette pratique barbare du One day/ One Town. Course contre la montre, minibus coincé dans les bouchons, c’est jeudi après midi, début du week-end pour les habitants de cette belle ville. Il fait beau et tout le monde est parti en pique nique.

Simone, notre guide et organisatrice, puits de science devant l’éternel, surdopée à la grande Histoire, mène son troupeau à la baguette. Intarissable, elle jongle avec rois, peuples, chefs, empereurs, envahisseurs, prophètes, shahs et ayatollahs. Pas moyen d’échapper à sa logorrhée ponctuée de mots d’esprit sur lesquels elle retient son souffle comme attendant les bravos. Je regarde les autres, pas un pli de figure. Serait ce que je me serais trompée de voyage ?

J’en ai pour quinze jours, adaptons-nous. Et me voici chaque matin, dans les meilleures dispositions. Ah les Mèdes! Ah les Achéménides, les Sassanides, les Seldjoukides, les Mongols, les Safavides ! Tiens Alexandre le Grand, ça fait plaisir de croiser quelqu’un de connu ! Ah Zarathoustra vous ici, enchantée !C’est qu’ils sont très nombreux sur ce coup là, et, malheur à celui qui rate une marche. Puis, ( mais à quel moment ?) je décroche.

Il y a des voix qui me perdent, qui me dissuadent, qui me promettent tant d’ennui que j’en oublierais la vie qui frétille à côté. J’en ai connu sur les bancs du lycée, j’en ai connu au boulot et dans nombre de réunions, de ceux-là qui boivent leurs paroles. Cancre je suis, cancre je resterai. Je n’apprends que dans la joie, c’est vous dire.

Nous vivons beaucoup dans le minibus piloté par Hossein. Maman Simone qui ne tarit pas d’éloges sur lui, profite du micro pour en rajouter une couche. Prisonnière derrière la vitre, je contemple le paysage et les scènes d’extérieur.

Étrange tout de même, Simone ne connaît pas un mot de farsi. Hossein pas un de français ni d’anglais mais grâce à son logiciel de traduction, j’apprendrai quelques mots. er.

Shiraz, le jardin d’Hafez, le grand poète, un havre de paix au bout de cette journée épuisante. Si joli que je me pose cinq minutes pour un petit dessin. Des étudiantes m’entourent, m’interrogent en anglais, de l’envie plein les yeux, «à quel âge avez vous commencé à voyager? ». Quand je relève la tête, le groupe a disparu. Je le retrouve attablé devant notre premier dough, sorte de lait fermenté. Le ton de Simone est lourd de reproches : «Tu as manqué le plus beau, le poème d’Hafez que j’ai lu en ton absence» .

Flâner, observer, rêver, partager des petits éclats de vie, savourer deux sous de rencontre: interdit. Faut suivre ! J’ai essayé de survivre en grappillant de ci de là quelques moments volés, toujours remarqués, «encore elle la dernière»… J’endosse fissa le rôle de l’empêcheuse de s’instruire en rond. C’est fou comme un groupe peut changer les individus, car pris un par un, ces gens là sont bien respectables.Et même si mon humour ne fait pas l’unanimité, je reste gentille. Ne gâchons pas tout

1Ere toile à Ispahan

Pas croire tout de même que je vais déroger à ma règle. Chercher le cinéma partout où il se cache. Un pays se découvre aussi par l’usage qu’on fait des salles de cinéma, quand il en reste.

J’en glisse deux mots à la chef qui fait la moue. Mais, la nuit portant conseil, elle m’arrange, finalement, le coup . Zorah la correspondante de l’agence de tourisme à Ispahan, parfaite francophone m’accompagnera dans une salle. Je suis ravie et comme cette annonce a été faite en public, je demande : «Qui veut profiter de l’occasion ? » Silence estomaqué. Mais cette folle qui n’écoute pas la moitié des savantes explications dispensées par la maîtresse fait maintenant un caprice pour aller au cinéma ?

Ispahan, la très belle où l’on ne devrait perdre son temps ni à manger ni à dormir si on avait tant soit peu de jugeote. Où il y a tant à visiter que mes touristes associés ont tendance à oublier que des humains s’agitent autour d’eux.

Sauter sans état d’âme le repas en commun, arpenter à la remorque de Zorah, une sorte de Champs Elysées à l’iranienne jusqu’au cinéma dénommé « La Plage ». Il se trouve auprès du fleuve et de ses pédalos.

Je m’en doutais, c’est un multiplex. Zohra a déjà payé nos places sur internet . Envolées mes envies de vieille salle. En reste-t-il d’ailleurs? Non, me dit-elle tous les anciens cinémas ont été modernisés.

Un hall au look international et son Mac-do maison. Quant aux affiches en persan, elles peuvent se laisser classer en trois catégories, comiques, d’action, et quoi d’autre? Sociologiques, romantiques? La production est exclusivement iranienne, en V.O. non sous-titrée ( et en quelle langue pourrait-elle l’être, je vous le demande? ) .

Je rembourse les deux places à Zohra, ( le blocus étasunien leur mène la vie dure). Passage obligé en boutique, chips et bouteilles d’eau.

Enfin, nous y voilà, des familles, des femmes seules, des jeunes qui picorent. Bonne ambiance. C’est un «salon» de 40 places, larges fauteuils, presque comme à la maison. Ce complexe compte 9 salles de capacité variable, l’une d’elles de 500 fauteuils. La boutique tourne à fond entre 10h et minuit, dernière séance. Neuf films à l’affiche, tous iraniens

A part qu’à force, nous avons raté le début.

Sur l’écran, deux types en cavale liés l’un à l’autre par une menotte(et le resteront jusqu’au bout ). Très bavards, l’un fait le clown, l’autre la gueule. Si je devais choisir, c’est ce dernier que je prendrais .

Le titre traduit pourrait être Le Bon Gène. Le récit enfile un tas de péripéties dont je ne suis pas toujours les tenants et les aboutissants, disons qu’en gros, il y a les nantis et les prolos, une histoire d’amour contrariée et un peu de baston . On y visite des intérieurs somptueux et minables. Image pas terrible. De la série tournée à l’arrache. Mes heureux voisins rigolent par moments. Le farsi me reste impénétrable.

Vous me direz, « mais le visionnage à outrance de films muets de ton festival d’Anères (promo gratuite ) devrait t’aider à comprendre sans avoir recours aux paroles. ». Que non. Les acteurs du muet faisaient des efforts, et, de temps à autres des cartons venaient vous sauver la mise. Ceux d’aujourd’hui adorent envoyer leur réplique sans un pli de figure et vous voilà réduite à bâtir des hypothèses ruinées aussitôt qu’émises. Ce qui ne m’empêche pas de goûter le compagnonnage des voisins et ce qui s’en dégage.

Zorah a aimé. Encore heureux c’était son choix. De retour sur le boulevard, du monde partout. Le soir s’installe. Les magasins sont ouverts, l’air léger . On longe les petits comptoirs de bouffe rapide. J’achète des frites .

Dis moi Zorah y a t-il un message dans ce film? Oui. C’est une histoire de castes, du genre il pleut toujours sur les mouillés, et l’un des pauvres étaient le fils caché d’un riche etc…Sans référentiel, je pencherait vers une critique politico compatible. D’ailleurs le réalisateur Saïd Soheili qui a donné le premier rôle à son fils, est une star de la télé.

Abbas Kiarostami ? Jafar Panahi ? Elle ne connaît pas, ou ne veut pas aborder le sujet, mais cite avec fierté Ashgar Faradi qui fait actuellement une carrière européenne.

Puis, pressée de retrouver son mari, elle me raccompagne à l’hôtel.

2eme toile à Hamadan

Dernière et inexplicable étape de deux jours à Hamadan, grosse ville perchée à presque deux mille mères au pied des pentes enneigées du mont Alvand (3580m). A deux cent cinquante kilomètres de Téhéran. Bien qu’elle ait vu naître le roi Cyrus le Grand, l’ancienne ville de Mèdes, rasée et reconstruite, n’attire, outre les montagnards, que de discrets adorateurs des mausolées d’Avicenne et de Mardochée.

Ses habitants vivent entre eux. L’ambiance générale s’en ressent et pour peu que vous vous promeniez seul(e) vous n’êtes plus qu’une personne lambda dans la rue.

C’est ici que notre grande prêtresse a décidé d’attendre la fin du voyage, loin de Téhéran, qu’elle connaît mais n’aime pas, ses embouteillages, sa pollution etc…De la capitale, nous ne verrons que deux musées, la fin du bazar, et les fauteuils d’un chic établissement où elle nous parque dans l’attente du vol pour Istamboul à 4h du mat. Mais j’anticipe.

Je vais rendre à Avicenne ma visite de politesse et basta. Bye bye les amis, saluez Mardochée pour moi et ne m’attendez pas pour le repas. Sur mon lit, je reprends où je l’ai laissée la lecture d’un bon gros polar qui me tient compagnie depuis le départ. Pourquoi se presser ? Une longue soirée s’offre à moi.

Plan en main, je descends le boulevard, à la recherche du cinéma indiqué par la réceptionniste de l’hôtel. Le temps s’est mis au froid, il souffle un vent qui, pour la première fois, me fait supporter le foulard. Traverser le square aux joueurs d’échecs et de jacquet, se jeter dans le tourbillon des véhicules du rond point, continuer dans la lumière rose jusqu’à la place Imam Khomeini, centre exact de cette ville. Croiser des femmes en tchador qui retiennent leurs tentes à deux mains (tente est la traduction de tchador ), marcher au milieu des passants qui se pressent, qui me regardent ou pas, qui me demandent ou pas where do you comme from, qui sourient ou non, mais répondent tous à mon salam.

Vous croyez vous que c’est facile de trouver le cinéma ici? Des entrées couvertes de plaques en persan, des affiches à foison et des files patientes, il y en a partout, je me fourvoie dans un grand hall qui, après une observation plus fine se rapproche du centre médical. Un jeune homme m’indique la porte à côté.

Un simple couloir, ouvrant sur une grande pièce où se prélasse un projecteur hors d’âge . Une petite caisse au milieu de rien. Un lieu comme je les aime. Le jeune homme connaît le caissier, mon projet les amuse. J’observe les affiches. L’une d’elles à dominante bleue, montre des hommes en pleine action. Elle est barrée d’un titre anglais : « 6,5 Toman Per Meter » de Saeed Roustaee ». A quelle heure ? A vingt heures, me montre le caissier sur l’horloge.

Mais il est projeté dans un autre cinéma, un peu plus loin sur la place. Dialogue de doigts : tu marches un peu, tu tournes, c’est là . Photos souvenirs avant de se quitter.

Me revoici dans la rue, le temps presse. Help ! Une jeune fille me prend par la main et me pousse dans l’entrée du deuxième cinéma. Dans son jus, comme le précédent. Le ticket d’entrée coûte le prix d’un café, c’est à dire pas grand-chose pour autant que je puisse en juger. Avec leur avalanche de zéros, on se croit facilement millionnaire. Même au bout de quinze jours, je ne comprends rien aux tomans et aux rials. Autant donner aux commerçants le paquet de billets et qu’ils se servent.

Une assez grande salle, loin d’être pleine. Des femmes installées au fond me font signe de se joindre à elles, et moi, bourrique, je me plante comme toujours devant l’écran en les remerciant de la main. Une belle occasion perdue .

Pas de pub, ni de bandes annonces. Ça commence fort.

Descente de flics chez les drogués miséreux. Ils vivent par centaines dans des pipelines empilés les uns sur les autres, sorte de ruche couchée. Rythme et vision d’enfer, félicitations au chef op. Ici, Police se dit Police.

Le théme est clair : remonter jusqu’à la tête d’un trafic d’héroïne. Dans les hautes sphères, bien sûr. L’inspecteur principal, proche de la retraite, a des états d’âme. C’est là que le bât me blesse. Il parle beaucoup. Trop. Avec ses collègues, avec les suspects, avec toujours des hommes. Un film sans femme. Un concept après tout, Perec a bien écrit la Disparition sans la lettre « e ».

Nous avons droit à des appartements de luxe où des nantis à belle gueule se détendent dans leur piscine intérieure. Visite des différents lieux de détention, où tous sans discrimination se retrouvent en enfer. Oubliés, salis, battus, affamés. Pour un jour, pour toujours. De quoi vous faire passer l’envie de contrarier quiconque dans ce pays.

Les scènes d’action s’effacent peu à peu devant des palabres sans fin, en plans fixes. Grâce à mes échanges via le portable d’Hossein, j’ai appris : salam (bonjour), mam-noun (merci) que je retiens ainsi (maman, à midi, me donne à manger, donc je lui dis merci ), khoda hafez ( prononcer roda afez,) au-revoir, (je prends la route de Fez, donc je me tire, au revoir), bale, oui et na, non. Facile.

A part ces éléments de langage essentiels, j’ai du mal à suivre. L’ennui me gagne. Une bonne heure est passée…je m’échappe par la sortie de secours.

Pour trouver la neige. Qui tombe en furie. Le vent a redoublé. Il détruit les petits étals du marché de nuit qui couvraient la partie piétonnière du boulevard, le marchand de linge court après ses chaussettes, un autre ses petits paniers. J’ai froid et un peu faim. Le boutiques ferment l’une après l’ autre. Trois hommes qui pliaient leur terrasse, ressortent leur vaisselle pour me réchauffer du lait sucré. Mes mots de persan trouvent ici leur usage. Et les conditions hivernales me rappelant mes Pyrénées, c’est ravie que j’attaque le chemin du retour pliée en deux dans la tourmente.

Internet m’apprend que ce film a été sélectionné à la Berlinale, que son réalisateur est bien côté à l’international. C’était finalement une bonne pioche.

Dernier clin d’œil cinéma avant de quitter le pays. L’hôtel étoilé de la capitale où nous attendons l’heure du départ, abrite le siège du 37ème Festival International de Films de Téhéran du 18 au 26 avril 2019, nous sommes à deux jours de la fin, encore une occasion perdue…

A défaut de pouvoir le suivre, j’en feuillette le programme, 132 films sur 7 salles. Parmi une forte sélection iranienne, quelques productions européennes, chinoises, russes et d’autres pays d’orient. Un seul film français : Bécassine de Denis Podalydes. Ah! Comme j’aurais voulu être dans la tête des sélectionneurs ! Sans juger des qualités du film, je subodore qu’on veut montrer une France nostalgique, charmante, peuplée d’archétypes sépia,parfaitement innocents. Ou bien, ou bien…

El Cine de Ushuaïa

Terre de Feu, à l’approche d’Ushuaïa. Il fait bien nuit. Appuyée contre la fenêtre du bus, je rêve. Nous avons pris un ferry, passé deux fois la frontière, longé un grand lac lisse et bleu sous la lune, j’ai me souviens de Rio Gallegos, Rio Grande et Tolhuin où je serais bien restée un peu .

Fin du voyage. On descend vers le port. Je rêve encore plus fort quand un énorme truc plein de lumières grimpe à l’assaut du ciel, envahit l’espace, m’éclate les rétines. Une attaque de martiens?

La blonde à mes côtés tient un discours étrange. «Avec la découverte du pétrole, la ville a changé, les gens sont arrivés de partout, nous ne sommes plus entre nous. Soyez prudente! » C’est quoi ce discours beurk?

L’urgence, là, elle est de me trouver la maison de l’habitant qui me loge. Il suffit de monter, monter, monter, sous les étoiles, en tirant mon sac jusqu’à ce que le trottoir se transforme en chemin. Marcos m’attend, un sourire sous des moustaches de phoque. Il loue ses 4 chambres, va dormir ailleurs et revient fidèle au poste à l’heure du premier café.

Autour de la table du petit déjeuner, des marseillais pétés de tune qui embarquent pour l’Antarctique, des jeunes mariés qui m’invitent à les suivre dans leurs découvertes locales, une muette plongée dans ses tartines. J’écoute et puis je sors. A quoi ressemble le bout du monde ? Va marcher ma fille, on apprend avec ses pieds.

Beau temps, la petite ville dégringole des flancs de la montagne. Quadrillage parfait de rues en pente coupant les avenues parallèles au port. Maisons de bois peintes en blanc, toits multicolores, jardins fleuris. Perfecto, no ?

A l’approche du Bar Le Darwin la cruelle réalité me rattrape : là devant moi, un monstrueux bateau de croisière, gratte-ciel des mers, occupe tout l’espace, m’obligeant à me démancher le cou . C’est cette bouse hallucinante qui faisait tant de lumières hier soir. Pauvre Darwin !

Juste en face, le centre ville. Un nœud de ruelles entre les deux avenues les plus basses, le reste appartient aux gens normaux. On y trouve une enfilade gaie de boutiques, bars, et restos, bientôt parcourue par le troupeau des aventuriers que le monstre expulse par à-coups, tous déguisés en montagnards dernier cri. Tu crois que l’uniforme fait partie du package ? Dans la zone immédiate, un magasin Patagonia. Tu crois que c’est moins cher ici sur place ?

D’ailleurs comme je regarde les montagnes d’objets vendus sous le label Fin del Mundo, un aimable vendeur me demande si je descends du bateau …merde alors !

Plus haut je découvre la banque allemande, l’école allemande, l’église allemande, l’hôpital allemand manque plus que le cimetière allemand, suffirait de chercher un peu. Tiens tiens ! Moi qui ne lis rien à l’avance, j’entrevois ce que me suggérait la blonde du bus.

Essayer de se perdre un peu. Découvrir des passages secrets, se faufiler dans les ruelles. Un escalier de fer, une rampe, et au bout une pancarte :

CINEMA. Ah !!!

Mais tu as beau tourner de partout, rien ne s’ouvre, rien n’aboutit, personne ne connaît. C’est normal dit Marcos en levant les épaules, le cinéma est fermé depuis longtemps. Oui, mais à la place il y a des cours de tango, rajoute la nièce qui passait par là. Des cours de

TANGO Ah !!!

Le mardi de 5 à 7, comme Cléo. Yapluka .

Dans la vie tu prends des options ou pire elles se prennent toutes seules, dans ton dos et donc je ne sais pas danser le tango. Oui certes avec un danseur bien motivé, un qui ne fait pas semblant de te tenir, qui te guide avec amour, tu vas faire illusion. Parti l’artiste, tu te retrouves au sol, comme une merde . Alors le tango argentin, vous pensez !

Et le mardi, après la visite obligée de l’ancien bagne (qui mériterait un chapitre à lui tout seul ), du musée de la Marine où tu découvres, avec une jouissance honteuse, les sensationnels naufrages auxquels tu as échappé depuis que le Cap Horn est le Cap Horn, tu te pointes dans l’ancien cinéma sans te préoccuper de ton costume car tu n’as que tes jeans et tes pompes tous terrains .

Salle vide sous une verrière. Au milieu, un mec qui farfouille dans un ordi. Rodrigo, le prof. Il me reçoit comme s’il me connaissait déjà, la bise etc…Les collègues arrivent, des jeunes qui changent de chaussures, des vieux qui restent comme ils sont, bien présentables, une française en ciré de marin (elle fait du bateau-stop et attend l’occasion) et moi en jeans et chaussettes .

Rodrigo, lance la machine, et vasy qu’on s’élance autour de la pièce au rythme de la musique tanguera. Rodrigo examine, relance, je me prends un pied terrible, mon corps résonne à tous les étages, je pourrais tourner toute ma vie .Puis vient la danse en couple et des artistes font de furieuses figures. Rodrigo m’envoie des partenaires tranquilles, tout dans les épaules. Et c’est reparti, je m’y crois, certes on s’en tient aux bases, le reste viendra plus tard, me dit un gentil.

Mais c’est qu’Ushuaïa se fait bien plaisant !

En attendant le mardi suivant, j’ai testé un bateau petit et robuste comme son capitaine pour faire du saute moutons sur les vagues du Beagle en visitant la faune du coin, me suis immergée dans le labyrinthe du Parc Tierra del Fuego à la rencontre des castors, en vain. Épuisée de m’être perdue hors des chemins, j’attends la dernière navette couchée sur l’herbe, c’est un renard qui me réveille en me léchant la figure. Ces yeux magnifiques plongés dans les miens valent bien un troupeau de rongeurs.

Découvert aussi découvert la confiture de lait, confondu les messes évangélistes avec des cérémonies de mariage, parlé avec tout le monde, et surtout d’Evita Péron.

Deuxième mardi. Rodrigo fourrage à fond dans sa machine, rien n’en sort. Et puis, nous sommes peu nombreux, majorité de filles . On s’assied par terre, elles m’entourent et me prient de raconter. De quoi est faite ma vie en France et pourquoi et comment et si je reste longtemps.

Et justement. Et puisque le tango s’est enfui à peine caressé, contaminée que je suis par le milieu marin, je ne rêve maintenant que d’embarquer. Mais c’est cher. Mais non, dit Marcos, va voir telle agence, et à telle agence qui ferme dans les cinq minutes, je trouve une place en soute sur l’Evangélista, le bateau qui se faufile entre les glaciers des fjords chiliens de Puerto Natales à Puerto Montt avec 300 vaches, 20 camions à bord, les autochtones qui vaquent à leurs affaires et un équipage farceur . Prix raisonnable, 4 jours d’émotions garanties.

L’embarquement est pour après-demain à l’autre bout du pays (pas tout à fait, on est au Chili d’accord, mais loin quand même ). Pas le temps de changer d’argent, ni de faire de provisions, je dors à peine, fais mon sac à l’arrache, prends le bus en catastrophe(j’avais une heure de retard, ils m’ont attendue, braves gens) . J’apprends qu’un tremblement de terre vient de détruire une partie du littoral chilien, j’hésite. Mais je pars . Re-bateau, détroit de Magellan, le village de Porvenir me sourit avec ses maisons rouges, me faire débarquer ? Tant de regrets! Quel nom magnifique non ? Re-double frontières, à ce rythme là, mon passeport va saturer.

Toute la journée dans le bus le paysage patagonien me console de voir mes voisins hollandais se partager quantités de vivres, sans jamais m’en proposer. Je crève de faim pendant que mon voisin, chilien de Puerto Williams me remet les pendules à l’heure : Ushuaïa n’est pas la ville la plus australe du monde, c’est bien la sienne de l’autre côté du Canal de Beagle et j’aurais été bien avisée d’y aller faire un tour.

Etape de Punta Arenas. Ma première ville au Chili. Le bus stoppe devant un chic hôtel pour hollandais, de l’autre côté, un foyer pour ouvriers. Tous devant la télé. On ne parle que du tremblement de terre. Et joie ! La dernière chambre (plutôt un placard) n’attendait que moi . La patronne m’indique le distributeur de billets et le seul resto de la ville qui sert encore car, bien sûr, il fait nuit. A l’abordage! Voyons ce que me réserve ma première nuit au Chili.

Une toile à Ambato

Fiche technique 

Pays : Équateur

Date  : été 9O.

Type de voyage : totale impro

Accompagnant : Patrick, cadre bancaire, rencontré l’année précédente lors d’un trekking en Turquie

Lien avec l’accompagnant : vague camaraderie .

Circonstances du départ :

Aucune préparation. Pour moi, il s’agissait de suivre le courant, les conseils, les occasions, nos envies. Pour Patrick, qui ne parle ni espagnol ni anglais, il s’agit de me suivre. Et de me répéter chaque jour que j’ai l’âge de sa mère, 16 ans de plus que lui, (t’inquiète, mon canard, tu n’es pas mon genre). Il lui téléphone dès l’arrivée à Quito et tous les jours s’il le peut. Alors pourquoi ? Je l’avais trouvé touchant. Il se cherche, il voudrait croquer la vie mais n’a pas encore les dents. D’autre part je suis amoureuse d’un homme qui me tient serrée dans sa main, là bas en France. Besoin de changement.

Petit souvenir :

Après la découverte de Quito, le mouvement nous entraînera sans surprise sur la chaîne des volcans, Saquisili, Ambato, Riobamba, Cuenca, et plus tard sur Gayaquil, Les Galapagos et Otavalo.

Rencontre sur les flans d’un volcan d’un couple de jeunes israéliens. Catastrophés. Nous sommes le 2 août 1990, Sadam Hussein a envahi le Koweit, la guerre du golfe a éclaté ce matin même. Ils sont en permission post service militaire, voyagent sans bagage, se nourrissent de plantes, dorment à la belle, toutes choses apprises pendant les années passées sous les armes. Ne rêvent que de paix : « C’est foutu, la paix, nous allons repartir en guerre, toujours la guerre ». Ils se raconteront pendant toute la balade. Je pense encore à eux.

Le cinéma d’Ambato

Ambato , une ville, moche, son musée des horreurs, poussiéreux. L’ennui me gagne quand j’avise une flèche :  Cinéma.  A la nuit bien entamée, on se pointe à l’entrée d’une pauvre galerie marchande. Papiers gras. S’enfoncer entre les vitrines des boutiques fermées jusqu’à une clairière où trône la caisse du cinoche. Joie ! Une petite file d’hommes attend l’ouverture. Voyons le titre du film. Aucune affiche à l’horizon, juste un carton précisant l’heure des projections. Comment savoir ? Je tourne retourne, rien. Poliment j’apostrophe mon premier voisin, « s’il vous plaît monsieur pouvez vous me dire le titre du film que vous allez voir ?» Il me regarde effaré et tourne la tête, le second regarde ses pieds, les autres rentrent la tête dans les épaules bien décidés à m’ignorer. Laisse tomber, dit Patrick qui déjà n’était pas chaud. Moi j’y vais. Il n’est pas né celui qui m’interdira une projection.

Le ticket en mains, on passe la porte . A peine tu entres dans la vieille petite salle rouge, que le fameux cocktail PST (Poussière, Sperme, Transpiration) te saute au nez et à la gorge. Je comprends enfin. Cinéma porno. Quelle sombre idiote ! Je me marre toute seule. Les hommes se disséminent dans les derniers rangs. J’entraîne mon chevalier servant, au plus près de l’écran. Muet, vaincu. C’est ça le voyage non ?

Le film dont j’ai oublié le titre enfin révélé aussitôt oublié , étudiait à la loupe le cas d’un curé voyeur. Bizarrement ce curé-là avait les dents de Fernandel et je me suis lancée dans une étude comparée avec les aventures de Don Camillo. Celui ci ne parlait pas à Dieu, il épiait, caché dans le foin, les couples qui s’ébattaient dans la campagne. Rien d’extraordinaire, des répétitions sans fin, aucune imagination, l’ennui m’avait salement rattrapée . Décidément cette ville là ne nous valait rien.

Je suppose que ma présence a dû en déranger certains, pourtant je n’ai pas moufté. J’étais à l’affût des bruits de la salle…qui retint son souffle ce soir là.

A la sortie Patrick, choqué, m’a encore parlé de sa mère.

Le footballeur iranien

Rêvé le 20 mars 2019, veille de départ pour l’Iran.

Je me retrouve dans mon ancien bureau. Je n’y connais plus personne, mes collègues ne se précipitent pas vers moi, mon arrivée passe inaperçue, je me demande ce que je fais là, pourquoi je retravaille après tout ce temps passé ailleurs.

Mon bureau n’a plus de porte. Sous la fenêtre, une table étroite sert de présentoir à un poignée d’animaux en verre aux couleurs tendres. Pas d’ordinateur, ni de classeurs, quelque chose de flou. De vide. Le temps passe, personne ne me parle, je ne parle à personne.

Je m’ennuie. Je prends conscience que je ne fais rien et qu’il faudrait bien faire quelque chose, mais quoi ?

Voilà que la situation évolue . Gros arrivage de collègues inquiets : situation difficile à l’accueil. Je vais servir à quelque chose.

On m’explique. Il s’agit du problème récurrent du footballeur iranien qui demande à percevoir les allocations chômage au titre d’une activité réduite . Il est remplaçant dans l’équipe du coin, et même s’il est bien payé pour ses prestations intermittentes , il estime prétendre à un complément calculé sur ses anciens et mirifiques contrats .

Ses visites sont redoutées, elles bloquent l’organisation souvent fragile de l’accueil des visiteurs. L’ Assedic n’est le Club Med pour personne.

Trop contente, je me dirige vers l’accueil . J’y trouve un bouchon d’iraniens de tous âges, étoffes bigarrés, femmes à foulard, enfants aux yeux immenses, anciens aux vêtements élimés . Étendu au sol, sans qu’on lui ait laissé une grande place , un homme presque nu couché, bras en croix, mains pendantes, peau blanche sous poils noirs, son interminable corps noueux arrimé à une solide paire d’épaules. Un christ au fusain dessiné sur le carrelage: le footballeur. Il ne bouge pas . On me regarde avec avidité.

Pour calmer le jeu, j’invite tout l’Iran à me suivre. Nous traversons l’immense salle, la foule se répand en douceur de part et d’autre des postes de travail, jusqu’à mon bureau où elle s’installe silencieusement sur des tapis soudain déroulés. Les enfants admirent les figurines en verre, quelque chose de léger passe de l’un à l’autre, et je ne m’inquiète plus de savoir si non ou si oui, et alors, à quelle hauteur, il faut donner satisfaction à l’immense gisant qui apparemment n’a pas suivi. Mais on s’en fout on est dans un rêve. Il ne manque que le thé…

Se chercher

Se chercher

Tendrement

Tranquillement

Pas pressé de quitter le nid

Des rêves plein la tête

Beaux mais pas plus toutefois

Que la réalité actuelle

Couscous avec les copains

Le phare de Biarritz en point de mire

Grande aiguille qui parcourt le gâteau

L’odeur des glycines, tonnelle grands parents

Quitter l’enfance…

Demain peut être

Dans cette grotte où l’on grandit

D’où s’évalue la beauté du monde

Où l’on fait provision de mots, d’images

De notes, de choses confiées par ceux dont

C’est le boulot…de confier au monde.

Bagages au vent pleins à craquer

Nuages bleus, diffus élégants, mystère des petits gestes, des belles attitudes

Mouvements chics plutôt qu’utiles

Dandy, vous dites ?

Demain peut être encore une minute

Encore un jour ou deux

Monsieur le bourreau des cœurs

Je me méfie de vous, repassez demain

Votre passion rouge me blesse à l’avance

L’inconnu doit frapper avant d’entrer

ou être déjà là sans s’être devoilé

Dans l’ombre de ma robe noire qui me dérobe à moi, aux autres

Cet inconnu là doit m’être familier pour que je le découvre

Dehors le soleil appelle à la paresse

Tenir compagnie aux oiseaux en rêvant à la lune

De quelle urgence parlez vous ?

Pourquoi bousculer la plage avec vos gros outils ?

Je fais mes pâtés avec les miens sans dérangement aucun

Si je continue, qui va se plaindre ?

Alors pourquoi faudrait il que soudain

Votre lumière si aveuglante, vos bruits assourdissants

Soufflent l’haleine sauvage de votre carrefour ?

Réflexion faite je ne traverserai pas

J’ ai eu vingt ans

J’ai eu 20 ans

je n’ai pas eu 20 ans heureux

je n’ai plus 20 ans et tant mieux

je n’ai pas eu 20 ans le long d’un homme

j’ai eu parfois envie de rester longtemps

j’ai souvent eu ma lettre de licenciement

si j’avais eu un seul amant

j’aurais encore le même amant

aurais je enfin raison maman ?

Le 11 novembre

Certes le 11 novembre est la date de l’Armistice, étymologiquement le dépôt des armes (arma et stare) ce qui, pour les survivants est certes une bonne chose mais hélas sans assurance d’un avenir certain, la paix n’étant pas signée. Comme si dans un couple on arrêterait de se jeter la vaisselle à la figure pour faire l’amour à l’arrache, vite fait sur les débris car ça presse trop , mais que ce faisant vous vous enfonciez un grand morceau de soupière dans le dos, ce qui va générer une blessure profonde qui aura du mal à cicatriser, voire ne cicatrisera jamais et pire sous un kyste presque invisible va développer une sorte de cancer qui ronge le pourtour et le pourtour du pourtour jusqu’au jour où soudain tout explose sans avertissement préalable sauf que si, il y en eut des signes de fatigue mais que, trop occupé à vous occuper du prix du fuel vous n’avez rien vu.

Je vous vois vous dire que vous n’êtes pas disposés à entendre de tels amphigouris, je regrette il ne fallait pas me chercher, vous n’avez encore rien vu .

Ainsi, me promenant un jour dans un coin du monde, en l’occurrence la Namibie, que je considère comme mon jardin, non pas ce pays précisément mais le monde tout entier , moi qui, en tant que française blanche et présumée chrétienne ce que je ne suis pas mais ce n’est pas écrit sur ma figure, j’ai absolument le droit de parcourir du nord au sud et de l’est à l’ouest moyennant parfois l’obtention de visas, contrairement à une foule de gens mécontents de leur sort qui sans aucune autorisation ni préparation se lancent n’importe quand et n’importe comment à l’abordage de nos côtes pourtant réputées accueillantes, sans s’être renseignés au préalable s’il y avait des places au club med et de façon si maladroite qu’ils en mettent tout le monde dans la plus grande gêne. Ainsi, reprends-je, me promenant un dimanche dans une jolie et étrange ville du bord de l’Océan Atlantique qu’entre parenthèses je n’ imaginais pas descendre aussi bas sur le globe, car folle que je suis je ne crois que ce que vois, une ville appelée Swakopmund, (l’embouchure de la rivière Swakop, en allemand) , fondée par les allemands en 1892, reproduction fidèle d’une semblable bavaroise, avec ses jolies maisons de couleur son église modeste mais coquette, ses enseignes toutes germaniques, comme si un Santa Claus avait jeté du ciel une immense jeu de construction et que tout était retombé par miracle dans un ordre tout teuton, un spectacle à donner des hallucinations, une ville où tout était écrit en allemand,où tout le monde parlait allemand et où, surprise, un pauvre bougre qui faisait la manche m’a demandé 4 sous en allemand , je m’arrêtais devant un monument aux morts curieuse de tout, ma mère me l’a souvent reproché , et lisant sur le marbre les noms des morts pour la patrie (et laquelle du coup?) j’avisais les dates des séismes, 14/18, 39/45 ça alors que je me dis, les mêmes que chez nous. Il avait fallu que je franchisse le tropique du Capricorne (ascendant bélier si ça vous intéresse) région désert de Namib pour réaliser que nos morts avaient leurs pendants, si j’ose dire, bien qu’il n’aient pas été tous pendus, loin s’en faut, mais plutôt, broyés, explosés, assassinés, fusillés ou tout simplement tués par une sale mine ou même une sale maladie chopée dans les tranchées , loin des chez eux, de leur mère qui aurait pu les soigner de leur père qui les auraient protégés, de leurs frères qui les auraient entraînés dans la fête, de leurs sœurs qui leur auraient présenté leurs amies, de leurs grands pères qui leur auraient raconté la dernière guerre, de leurs grand-mères qui leur auraient tricoté des écharpes bien douces.

Non, je ne vois pas mon Grégoire de 20 ans, si beau si blond ,geek à mort, planté nuitamment devant des jeux sur internet, dont le moindre des avantages n’est pas qu’il y apprend l’anglais et bientôt le japonais avec ses adversaires, comme il m’en fit la révélation un jour que j’insistais pour qu’il m’accompagne au grand air, je ne le vois pas transformé en soldat de plomb et partir à la guerre pour en prendre, du plomb à travers sa chair si tendre, non plus mon Valentin de 19 ans et son frère Alexandre de 17,si bruns, si beaux enfants pétris de l’amour de tous, je ne les vois pas partir et ne pas revenir. Car ces guerres vous durent longtemps on a le temps d’espérer et de désespérer, d’attendre le facteur et de pleurer, de souhaiter de toutes ses forces une annonce féerique qui soudain mettrait fin au cauchemar.

Et merci pour la consigne lancée par un paresseux à cours d’idées, croyais-je. Et qui m’a valu un tour du côté obscur de la force, ah ah . C’est à dire la signification des nombres. J’y appris que les nombres 11 et 22 (soit le 11 novembre, 11X2) représentent des maîtres nombres. Le 11, la force de l’idéal accompagné d’un grand magnétisme, et le 22, puissante énergie et fort rayonnement gêné par des troubles psy, voilà voilà vous en faites ce que vous voulez mais sachez toutefois que vous ne pouvez faire sans, mécréants que vous êtes. Par exemple si vous surprenez votre pendule affichant 3h33, sachez que vous devriez prendre une décision immédiate concernant ce que vous étiez en train de penser présentement , donc si vous vous demandiez quoi faire à manger pour ce soir, vous devez vous précipiter sur le frigo et vous faire cuire 2 œufs dans l’instant sous peine de gros souci subséquent, ce n’est qu’un exemple, remerciez moi. Poursuivons, si plus tard, par le plus grand des hasards vous vous trouvez au feu rouge à attendre derrière une voiture immatriculée DS999 PQ, c’est un signe des anges, oui oui le 999 étant là pour vous féliciter de votre décision . Vous avez fait le bon choix, elle est pas chouette la vie ?

Par ailleurs, et pour la première fois depuis mon âge adulte, donc assez récent, je vous le concède, je me penche sur l’enchaînement des événements à l’origine de la disparition de 18,6 millions d’être vivants de la surface de la terre, puisque par la même opération sont passés du mauvais côté du gazon, presque autant de civils que de militaires, donc presque autant de patronymes non répertoriés sur le marbre des places publiques .

Il était une fois , un jour de juillet comme un autre, un archiduc qui voulut se promener avec sa dulcinée, il refusa le tour en chebec que lui proposait ses hôtes au prétexte que cette embarcation n’était pas sûre et choisit une calèche tout droit sortie des ateliers Wolksvagen. Ce qui permit à un lointain ancêtre de Ben Laden de les trucider tous les deux juste en montant sur le marchepied, ce qu’il n’aurait pu faire avec un bateau même réputé peu sûr. Par un jeu de copinage un peu exagéré, on vit presque tous les pays du continent rejoindre derechef leurs copains en vue d’ un coup de main . Tiens ça faisait un bail qu’on avait pas rigolé entre hommes, et si on faisait la guerre ? Tout le monde était partant.

Et voilà 6 millions d’hommes sous les drapeaux en un tour de main, ça fait beaucoup de drapeaux quand même non ? Et tout de suite l’Allemagne attaque la Belgique et la France, très fort, c’est pas trop de jeu pense Joffre qui prend sa retraite sur le coup pendant qu’on installe un grand camping depuis la Mer du Nord jusqu’aux Vosges , sans penser à l’hiver . Du côté de la Turquie on est jaloux , on se fritte sérieux du côté des Dardanelles, le nom plaît beaucoup, et puis les Italiens veulent jouer aussi , mais en douce. Tu croyais que c’était juste une baston entre bandes rivales, style règlements de compte de banlieues, mais ça dégénère grave. Voilà-t-il pas qu’en 1917, les sous marins allemands torpillent des navires de commerce américain, ah non pas ça , gueule Wilson du haut de sa présidence des Usa , il revient sur son principe de neutralité et lance son pays dans la bataille, envoie des troupes, de l’argent et plein de bons conseils pour cesser ce remue ménage qui s’éternise et dérange tout le monde, ce pourquoi il recevra le prix Nobel de la Paix en 1919 et mourra peu après épuisé de ses efforts, mais il en fallait plus pour être sur le mont Rushmore avec ses pairs, peut être que s’il y avait eu un peu plus de places il aurait été le 5eme, c’est ça l’Histoire avec une grande hache.

Toujours 1917 .Les russes de leur côté ne sont pas en reste, ils n’ont pas encore Poutine, et, pour se désennuyer se mettent à écouter un nerveux barbichu qui les pousse à se remuer sérieux, si on faisait la révolution par exemple ? Beaucoup sont d’accord, et comme on peut pas être à la fois à l’isba et à la datcha, ils rappellent tout le monde at home. Résultat des courses, les allemands privés d’ennemis à l’est , reportent leurs efforts contre la France et l’Angleterre, ce qui ne change pas ,car comme on sait : A l’ouest rien de nouveau .

Justement à l’ouest c’est à dire chez nous, les campeurs fatiguent, la piscine est dégueulasse, le ménage n’est pas fait, on n’a pas prévu de chauffage dans les tentes, et la bouffe n’en parlons pas , et puis surtout personne n’avait demandé à prendre d’aussi longues vacances. Certains s’énervent, renâclent, se mutinent quel joli verbe, se mutiner, et pourtant ça ne plaît pas , mais pas du tout, alors comme on n’a pas trop le temps de réfléchir et que ça sent sévère le roussi, on est bien obligé de les faire taire, d’abréger leurs désagréments en quelque sorte, tiens ils pourraient remercier quand on y pense, mais non, des ingrats.

1918 Et puis, tiens on se désigne enfin un chef de guerre unique , ce qui n’était pas le cas jusqu’ici d’où une certaine pagaie, tout le monde faisant la queue au guichet pour imposer ses idées. Ce sera Foch, vous savez celui de l’avenue . Il reste peinard jusqu’au 3 novembre premier jour de la révolution allemande, où l’Allemagne se réveille en pleine révolution la même que chez les ruskoffs, ça vous sent la dictature communiste à plein nez tout ça, faut agir. Les chefs de guerre pressent l’empereur d’abdiquer, laisse tomber le casque à pointes Guillaume 2 , fini de jouer.

Et donc l’armistice, du 11 novembre. On se bat pour compter les morts, on compte aussi les colossales sommes d’argent que la France doit aux USA, on se retrouve autour d’une table pour les pourparlers qu’on croit de paix . Les vainqueurs s’arrangent pour humilier les vaincus et l’avenir se prépare sur des bases pourries . Olé !